Découvrez avec nous l’unique atelier-musée du Vitrail de Cracovie, aménagé dans l’ancien atelier de vitraux de S.G. Żeleński datant de 1902.
Installé dans l'atelier historique du maître verrier S.G. Żeleński, l’Atelier-musée du Vitrail de Cracovie est un musée vivant qui offre une occasion unique de découvrir un atelier du vitrail en activité. La visite permet d’observer les maîtres verriers au travail, de découvrir le processus de création d’un vitrail et de voir les projets de grandes créations rayonnant à travers la ville depuis plus d'un siècle.
C’est actuellement le plus grand atelier de vitrail d’Europe Centrale, qui marie la création de vitraux avec l’ouverture au grand public. Cet atelier est considéré comme le berceau de l’art du vitrail polonais.
Plus de 200 réalisations - des œuvres d'art uniques - provenant de l'atelier, situé au 23 de la rue Z. Krasińskiego à Cracovie, peuvent être vues non seulement dans la collection du musée, mais aussi dans tout Cracovie, que ce soit au Château de Wawel, dans les cathédrales gothiques dont la basilique Notre-Dame, ou encore dans les immeubles d’habitation privés.
Stanislas Gabriel (S.G.) Żeleński, architecte, a fondé l'atelier en 1902 en tant que lieu de rencontres et de coopération entre les meilleurs artistes du mouvement appelé « Jeune Pologne ». Żelenski invita les plus grands artistes, la crème de la crème de cette époque, à coopérer avec l’atelier : Wyspiański, Mehoffer, Frycz, Uziębło, Bukowski ou encore Stefan Matejko, le neveu de Jan Matejko. C'est ici que les vitraux polonais les plus remarquables de cette période ont été créés. A cette époque, l’atelier comptait 60 salariés, artisans, apprentis, maîtres verriers, concepteurs dessinateurs et peintres. Au fil des années, Żelenski atteignit son but, à savoir créer un endroit où l’art, le travail artisanal et l’esprit d’entreprise se rencontrent.
La volonté d’avoir un haut niveau de réalisation des vitraux s’inséra dans l’esprit culturel de l’époque, que l’on retrouve dans l’art qui faisait fureur alors, l’Art Nouveau, aussi appelé « Jeune Pologne », qui boulversa les divers mouvements artistiques et littéraires en Pologne. Les arts appliqués se sont développés comme une réaction à l’industrialisation. L’intention était de renouveler, de rafraîchir plusieurs types d’art manuel. La création de cet atelier fut une idée forte et en phase avec la poétique du début du 20ème siècle.
L’atelier obtint plus de 80 médailles du mérite, attribuées dans les salons polonais et internationaux, pour le haut niveau de réalisation des vitraux. A l’occasion de la Grande exposition internationale des arts décoratifs à Paris en 1925, Mehoffer fit le projet des vitraux pour la chapelle Sainte-Croix, dans la Cathédrale de Wawel. Mais, avant d’être installés dans la chapelle, ils furent transportés à Paris pour être montrés au jury de l’exposition. L’atelier obtint alors la médaille d’or et le grand prix. A la Maison-musée de Mehoffer, située au 26 de la rue Krupnicza à Cracovie, vous pouvez admirer les médailles d’or obtenues pour ses projets de vitraux.
Dans ce musée, qui est avant tout un atelier, les maîtres verriers sont au travail, même pendant les visites. L’agencement du musée est unique en son genre, et cela parce qu’il a été construit spécialement pour être un atelier de vitraux. Chaque salle a été aménagée afin d’accomplir une fonction précise dans le processus de production des vitraux. Tout au long de la visite guidée du musée-atelier, vous apprendrez de façon chronologique et précise la manière dont sont crées les vitraux.
La technique de construction des vitraux comprend deux différents stades : le premier, c’est le projet, le dessin ; le second, la réalisation proprement dite. A partir d’un bon dessin, on peut réaliser un bon vitrail ou bien un vitrail de mauvaise qualité. Tout d’abord, le maître verrier reçoit un modèle (un dessin) ou un projet, qui sera appelé dans l’atelier une « maquette ». Puis ce modèle sera transféré sur un support papier.
Ensuite, le maître verrier sélectionne les couleurs appropriées pour les verres qui seront utilisés. Cette étape est considérée comme celle qui comporte la plus grande responsabilité dans l’élaboration du vitrail. Si le maître verrier fait une erreur, sa faute ne pourra pas être détectée durant le processus de production du vitrail, mais seulement au moment de l’installation pour la phase finale.
Dans l’art verrier, il n’existe pas de palette de couleurs comme dans la peinture, où l'on peut mélanger deux couleurs pour en obtenir une troisième. Ici, on dispose d’une gamme de couleurs limitée.
Le verre à vitraux doit être garanti pour durer des centaines d’années. La seule technique pour garantir la préservation des couleurs est la même depuis le Moyen Âge !
Une fois la maquette approuvée, le dessinateur arrive avec le carton (modèle). A cela s'ensuit une longue et complexe étape de la création du vitrail qui peut être comparée à un puzzle gigantesque. On réalise une sorte de carte technique, un calque transparent du projet, qui servira à transférer le dessin sur un carton à l’aide de papier carbone. Tous les éléments transférés sur le carton seront découpés. On obtiendra ainsi des calibres qui seront appariés aux pièces de verre coupés. Le maître verrier pourra alors comparer les couleurs de la maquette avec les échantillons de verres de couleur disponibles sur les étagères de son atelier, que l’on peut voir lors de la visite. Cette étape de la création du vitrail est restée aussi inchangée depuis le Moyen Âge, à part la technique du dessin qui peut être faite aujourd’hui en utilisant Photoshop.
Les calibres sont ensuite groupés par couleur et disposés sur les feuilles de verre correspondantes. Le maître verrier peut entreprendre alors la coupe avec un couteau appelé « coupe-verre ». Généralement, on utilise l’expression « couper le verre », mais en réalité, il s’agit d’entailler le verre en suivant la forme du carton posé dessous. Une fois avoir coupé tous les éléments, le maître verrier passe à l’assemblage des pièces. Le musée étant vivant, il n’est pas toujours possible de voir exactement chacune des différentes étapes. Tout dépend du moment où l’on arrive sur place pour la visite.
Ensuite, toutes les pièces doivent être encadrées avec du plomb de façon à compléter le puzzle. Le guide vous expliquera que le verre est inséré dans des profilés et les jointures sont soudées à l’étain des deux côtés. Mais pour l’instant, le panneau est encore très flexible, vous aurez d’ailleurs l’occasion de le remarquer par vous-même. C’est la raison pour laquelle le mastic est nécessaire à la solidification de la structure et à la protection du vitrail.
Le verre peut être patiné (peint) ou pas patiné (pas peint). Cela ne veut pas dire que le verre n’est pas coloré. Dans le cas d’un projet de vitrail patiné où sont représentés visages, mains, vêtements, plantes, ornements, drapés, chaque élément en verre est peint dans l’atelier de peinture que l’on peut aussi visiter dans le musée.
Dans la pièce, on voit les chevalets des peintres postés devant de grandes fenêtres orientées vers le nord pour que l’atelier puisse profiter d’une lumière neutre et délicate. S’il n’y avait pas de lumière derrière le verre, il serait impossible de contrôler le processus de peinture parce qu’on ne pourrait pas voir les couleurs. La peinture sur verre est effectuée par couches, d’abord les lignes de contour, puis les ombres et, finalement, les couleurs. La difficulté demeure dans le fait que le maître verrier n’a pas la palette de couleurs du peintre, comme on l’a déjà signalé auparavant. Une palette lui aurait permis de mélanger facilement les couleurs, mais ici il n’y a rien qui nous permette d’effacer une mauvaise couleur.
L’artiste modèle la couleur, en ajoutant et en enlevant de l’ombre, de façon à créer des effets et rendre l’ouvrage réaliste, à trois dimensions. Quand on dessine les parties du corps humain, ce processus est inversé par rapport au dessin sur papier. En effet, dans la peinture traditionnelle, on ajoute des ombres, alors que dans la peinture sur verre, on les enlève.+
Les pièces de verre peintes sont ensuite mises au four à une température oscillant entre 600 à 800°C. À ce stade, les couleurs s'homogénéisent dans le verre et une fois la couche sèche, la couleur reste là pour toujours ! Si une pièce a été peinte d'une mauvaise façon, elle ne peut pas être améliorée, elle doit être éliminée.
Dans l’atelier-musée, tout date des origines de sa création en 1902 : les tables, les chevalets, les chaises. Tout, sauf le four. Pourquoi ? Il y a plus de 100 ans, le verre peint était cuit au four à charbon. Le personnel chargé de le faire fonctionner 24 heures sur 24 devait maintenir toujours une température constante et précise : quelques degrés en plus et on pouvait détruire les éléments du vitrail, quelques degrés en moins et la couche de peinture pouvait être mal fixée. Aujourd’hui, c’est plus simple, on règle la température par l’intermédiaire d’un afficheur.
Après la découverte, étape par étape, du processus de création d’un vitrail, vous serez dirigés vers l’espace d’exposition. La collection du musée englobe les traces de tout ce qui a été réalisé dans l’atelier : dessins, cartons, croquis mais aussi vitraux achevés mais jamais arrivés à leur destination finale. Vous aurez la chance d’admirer des projets de Stefan Matejko, le neveu de Jan Matejko qui, pendant plusieurs années, fut le directeur artistique de l’atelier.
La première galerie servait à l’époque à montrer le savoir-faire de l’atelier aux investisseurs et aux dessinateurs. Le façonnage des vitraux devant de grandes fenêtres permet de monter les grandes parties de vitraux déjà exécutés et de les admirer. C’est le dernier moment où l’on peut encore opérer des changements. Vous y verrez par exemple un vitrail inachevé de Stanisław Wyspiański. Pour la petite histoire, ce projet avait pour forme un triptyque représentant des personnages polonais historiques importants, au moment de leur agonie. Le projet était destiné à la Cathédrale du Wawel, mais les autorités religieuses ont refusé finalement d’accepter cette innovation. Wyspiański ne vit donc jamais son triptyque réalisé. Ce n’est qu’en l’an 2000 que le célèbre réalisateur Andrzej Wajda s’est intéressé aux projets de Wyspiański et a décidé de les faire réaliser. Et c’est ainsi que ce triptyque a été finalisé par l’atelier et se trouve aujourd’hui exposé sur la facade du bâtiment appelé Pawilon Wyspiańskiego, situé sur la Place Wszystkich Świętych, entre l’église des Franciscains et l’église des Dominicains.
Dans la seconde galerie, on peut s'entraîner à comparer les vitraux qui sont peints et ceux qui ne le sont pas. Vous aurez aussi l’occasion d’admirer le Saint Florian de Matejko (1911), dont l’arrière-plan est réalisé comme un vitrail non patiné tandis que la figure centrale est patinée. Il servait autrefois de décoration à la porte d’entrée du bâtiment de l’actuelle école de musique, située rue Basztowa à Cracovie. Savez-vous pourquoi il n’y est plus ? Après avoir été enlevé du bâtiment en vue de sa restauration dans les années 50, il ne fut jamais remonté parce que la figure d’un Saint ne pouvait figurer sur un bâtiment public à l’époque de la Pologne communiste. Saint Florian est donc resté dans les archives de l’atelier pendant plus de 50 ans, pour finir ici dans la salle d’exposition du musée.
Maître verrier
Fondateur et directeur du Musée du Vitrail de Cracovie
En 1998, après avoir terminé le lycée d’arts plastiques de Kielce, je me suis retrouvé à l’atelier de vitrail S.G. Żeleński à Cracovie. C'était l'un des plus anciens ateliers d'Europe, avec d'immenses traditions, mais sur le déclin à l'époque. J'ai vite compris que si je voulais apprendre la technique du vitrail, je n'avais pas d'autre choix que de le faire là-bas, car il n'existait pas d'enseignement de qualité dans ce domaine en Pologne. Malheureusement, à l'époque, il n'y avait personne à l’atelier dont je pouvais dire qu'il était mon maître, ce que je regrette beaucoup et ce qui m'a manqué pendant de nombreuses années.
J'ai dû trouver la plupart des techniques par moi-même, entouré de la présence plus spirituelle que physique des anciens maîtres. Cependant, ce qu'ils ont laissé dans l'atelier historique m'a suffi pour apprendre pendant de nombreuses années, étape par étape, en touchant presque leurs œuvres, en expérimentant, en faisant des erreurs et en tirant des conclusions, pour finalement trouver ma voie et atteindre le niveau de maître. C’est peut-être en raison de l'absence de ce maître que j'étais aussi plus ouvert à des activités qui n'étaient pas toujours tout à fait conformes aux techniques traditionnelles, mais qui me conduisaient à des moyens d'expression individuels.
Dès que j’ai été à l'aise avec ce matériau extrêmement exigeant qu'est le verre, j'ai commencé à expérimenter en brisant les techniques traditionnelles et en mélangeant différents médias. À côté du verre, la lithographie et l'animation ont fait leur apparition, mais surtout mon regard s’est aussi porté sur le verre en tant que matériau de construction. L'idée que le verre est un matériau qui permet de façonner l'espace m'a toujours tenu à cœur. J'ai donc pu revenir à ma première fascination artistique, à savoir la sculpture.
J’ai le plaisir de t’informer, en outre, que je viens d'être qualifié pour participer à la Biennale d'art contemporain de Florence, qui se déroulera du 23 au 31 octobre 2021 à la Forteresse de Basso. J'attire l’attention sur l’expression « art contemporain » car, dans cet espace, le verre en tant que matériau utilisé par les artistes est pratiquement absent. Dans l'objet sur lequel je travaille pour la Biennale de Florence, l'ancien et le nouveau se rencontrent : la manière traditionnelle de patiner le verre, connue depuis le Moyen Âge, et l'utilisation spatiale-constructive du verre en tant que matériau. Et tout cela pour faire référence au thème principal de la Biennale : L’Éternel féminin. Un changement éternel.
A Cracovie, grâce à l’essor depuis 1902 de l’atelier du vitrail S.G. Żeleński, des vitraux ont été créés par les plus éminents artistes polonais. Au début du 20e siècle, les concepts qui ont constitué une contribution créative à l'Art nouveau, omniprésent à l’époque, y ont été développés. Les caractéristiques distinctives du vitrail de Cracovie sont apparues, qui sont très significatives et sont désignées comme l'école du vitrail de Cracovie. Ce qui est intéressant, c'est que le mouvement s’est développé à de nombreux niveaux - des œuvres monumentales telles que Dieu le Père de Stanisław Wyspiański dans l'église des Franciscains, ou les vitraux de Józef Mehoffer à Wawel, à un nombre inépuisable de petits projets plus intimes dans les immeubles historiques de la ville. Nous passons devant eux tous les jours sans savoir qu'ils sont juste à côté de nous. Le plus souvent cachés dans les fenêtres dans les cages d’escaliers ou dans les vitrages des portes d’entrée des immeubles, ils contribuent à créer l’atmosphère de la ville.
Le château royal de Wawel, des dizaines d'églises dont la basilique Notre-Dame et la cathédrale de Wawel en tête, le palais des Princes Czartoryski, la tour de l'hôtel de ville, des bâtiments d'utilité publique, ou encore des centaines d’immeubles historiques d’habitation... Tous ces bâtiments possèdent des vitraux créés par l'atelier du vitrail S.G. Żeleński au cours des 120 dernières années. En regardant leur rang et leur nombre, nous nous rendons compte qu'il s'agit des objets les plus importants de la ville. Nous pouvons donc dire que Cracovie ne serait pas la même ville sans l’existence de l'atelier et du musée du vitrail.
À l'occasion du 120e anniversaire de sa création, nous souhaitons attirer l'attention sur le fait que Cracovie est la ville du vitrail ! Pendant toute l'année 2022, nous avons prévu une série d'expositions et d'événements, scientifiques et éducatifs, qui ne manqueront pas d'attirer l'attention sur ce lieu et ce phénomène uniques en Europe.
Dans mon activité artistique individuelle, la partie qui est liée à l'atelier et au musée du vitrail, c'est-à-dire le vitrail classique, est également importante. J'ai lancé le projet de « cycle en construction », dont l'idée est de créer ou de reconstruire, devant les visiteurs, des œuvres d'art exceptionnelles, importantes pour le patrimoine polonais ou, plus largement, européen. Le premier fut la réalisation de l'un des projets les plus remarquables de Stanisław Wyspiański : Apollo. Le système de Copernic. Le second est Polonia, basé sur un projet jamais réalisé pour la cathédrale de Lviv en Ukraine. Notre initiative rencontre un grand succès. La première édition du projet a été récompensée par le « Sybil », le prix le plus important de la muséologie polonaise, décerné par le Ministre de la Culture, et la deuxième édition a reçu la médaille « Pro Opere Politissima Arte Perfecto ». Pour la troisième édition, je me suis tourné vers l'un des artistes allemands contemporains les plus reconnus, le professeur Johannes Schreiter, qui nous a donné l’autorisation de réaliser un vitrail destiné initialement à la chapelle de l'Élection de la Cathédrale de Francfort, conçu par lui, mais jamais réalisé en verre auparavant.
Et pour la suite, je pense à d'autres artistes contemporains, mais mon rêve serait de réaliser le projet « Chagall en construction ». Ce serait quelque chose de spectaculaire de (re)construire une des œuvres de Marc Chagall sous les yeux des visiteurs de l'atelier et du musée du vitrail de Cracovie !
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Piotr, merci pour ta contribution et bonne continuation dans tes activités artistiques !
Crédits photos : Pracownia i Muzeum Witrażu w Krakowie, Destination Pologne
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